Le mois de Mars continue et la présentation de femmes inspirantes également. La semaine dernière tu as fait la connaissance d’Hildegarde Von Bingen, religieuse médecin du moyen âge. La femme de cette semaine est légèrement plus contemporaine. Laisse-moi te présenter Virginie Hériot, Ambassadrice de la marine française et « Madame de la mer ».
Le moins que l’on puisse dire est que Virginie Hériot avait une volonté de fer et qu’elle a toujours tout fait pour obtenir ce qu’elle voulait. Même si sa famille et son statut social ont été de vrais coups de pouce. Elle est née en 1890, de Zacharie Olympe Hériot, propriétaire des magasins du Louvre et de Cyprienne Dubernet, ancienne employée en corsetterie des magasins.
« Au lendemain de la guerre, explique la jeune femme en 1927, cette vie de quiétude et de farniente qu’avait connue ma jeunesse me parut sans intérêt et cependant mon attachement aux choses de la mer était plus vif que jamais. »
Ce n’est qu’en 1903 que Virginie Hériot fait connaissance avec la navigation. Avec sa mère et ses frères, elle fait une croisière tout autour de la méditerranée, sur le yacht de sa mère : Le Salvator. C’est au cours de ce voyage qu’elle rencontra l’écrivain et officier de marine Pierre Lotti et qu’elle développera le rêve, ou plutôt la conviction qu’elle sera navigatrice plus tard.
A 20 ans elle se marie avec le vicomte François Marie Haincque de Saint Senoch. Il est lui aussi passionné de la mer et c’est possiblement lui qui a fait découvrir la compétition à Virginie. C’est ainsi qu’à 22 ans elle fait construire son premier Yacht de course « l’ailée I » et qu’elle commence les régates. Cette année-là elle échoue à remporter la coupe de France. Cela ne l’arrêtera pas, bien au contraire !
Je fais un petit aparté pour parler vocabulaire. Ici il ne faut pas voir le mot yacht comme aujourd’hui. Il ne s’agit pas de ces énormes bateaux de milliardaires, à moteur, garés dans le port de St Tropez. Il s’agit plutôt de voiliers, au pont en bois et aux grandes voiles. Ce qui ne les empêche pas d’être des produits de luxe et de valoir l’équivalent de plusieurs millions d’euros aujourd’hui.
C’est également à 22 ans qu’elle accouche de son premier et unique enfant. Elle apprit plus tard qu’elle avait une maladie vénérienne et qu’elle ne pourrait plus en avoir d’autres. Elle divorce de son mari à 31 ans. A partir de ce jour, elle se consacrera entièrement à la navigation et à la mer.
« Avec les régates à la voile telles qu’on les pratique de nos jours, écrit-elle dans Sur mer, il semble qu’on soit parvenu au summum du sport nautique. Peut-on rêver quelque chose de plus prodigieux, de plus beau ? Par le simple contact d’un bras humain sur une barre de gouvernail, un assemblage de planches, de toile et de cordages devient une chose vivante et qui veut vaincre. »
Elle achète un yacht à vapeur de 85 mètres Le Falandia. Qu’elle remplacera deux ans plus tard par une goélette (un deux mâts) Ailée II. Elle l’a elle-même, avec un équipage, rapporté de Rotterdam au Havre. Elle a impressionné les hommes d’équipage par son sang-froid, son courage et sa force. Elle vivra désormais 10 mois par an sur ce bateau, délaissant sa résidence parisienne.
« Le chef doit à son bord donner l’exemple, écrit-elle ; il doit faire toujours plus que les autres pour les entraîner et gagner leur estime. Mais, quand c’est une femme qui est à la tête d’une organisation, le devoir est pour elle quatre fois plus impérieux. Et, en plus, elle doit se faire aimer. Lorsque mes marins me voient avoir plus froid qu’eux, ils me regardent et ne songent plus à se plaindre. »
Elle Fait construire deux bateaux de course : Aile (8 mètres) et Petite Aile (6 mètres). En 1922 à l’âge de 32 ans elle échoue une seconde fois à remporter la coupe de France, que les anglais gagnent pour la énième fois. Mais elle persévère et c’est ainsi qu’à partir de 1924, commence une longue série de victoires.
En 1924 elle remporte la coupe d’or de SM Alphonse XIII en Espagne. En 1925, elle gagne la coupe Rylard à Gênes, la coupe méditerranée en Italie, celle de Cumberland en Angleterre et elle devient championne de France. Cette même année elle remporte également la coupe de Copenhague, la coupe porte au Danemark et la coupe des étrangers en Finlande. En 1927 elle gagne la « One ton Cup » en Angleterre.
C’est en 1928 qu’elle est médaillée d’or aux JO en Hollande. Mais elle gagne aussi la coupe d’Italie, et la coupe Rylard une deuxième fois, ainsi que le prix d’honneur de Deauville, la coupe Clerc-Rampal du Havre et la coupe de Sa Majesté la reine d’Espagne. En 1929 elle remporte enfin la coupe de France et est lauréate de la coupe d’or de Sa Majesté Alphonse XIII (à nouveau).
On le l’arrête plus et elle enchaîne les récompenses. Elle a été une des rares propriétaires de navire de course à réellement conduire ses yachts en régate. Les autres propriétaires se contentant de les confier à des marins plus confirmés. Sa « catégorie » sociale la prends tout de même pour une excentrique et ne comprend pas son amour pour la mer.
« Il y a encore des personnes qui se figurent que c’est par distraction, passe-temps, que je mène la vie du marin !… Je les excuse. Ils ne comprennent pas ! Je suis pour eux un être bizarre qui conduit un petit bateau qui s’élance avec une voile blanche… peut-être une dame qui fait ce sport pour garder sa ligne… »
Elle a pourtant publié 10 livres à compte d’auteur pour décrire cette passion et son amour. Elle a eu une vie palpitante récompensée aussi par des médailles d’honneur. Elle devient chevalier de la légion d’honneur et reçoit le mérite naval espagnol.
Toute sa vie elle donnera des conférences dans le monde entier pour promouvoir la marine, les ingénieurs et les chantiers navals français. Ce qui lui vaudra le surnom « D’ambassadrice de la marine » ou celui donné par un poète « Madame de la mer ». Elle a toujours soutenu le yacht Club de France, elle a offert des yachts de course aux élèves de l’école navale pour leur apprendre à naviguer en régate. Elle a même fait un atlas des ports illustré de ses propres dessins.
En 1932, Virginie Hériot semble fatiguée. Elle a été blessée grièvement lors d’une tempête et a eu deux côtes cassées. En Août, lors des régates d’Arcachon, ils sont nombreux à la supplier d’arrêter la compétition. Mais elle persiste. Elle fera une syncope au passage de la deuxième bouée et mourra deux jours plus tard sur son bateau. Elle a été enterrée dans le caveau familial, sa mère ne pouvant se résoudre é répandre ses cendres en mer selon ses souhaits. Son fils fera immerger son cercueil au large de Brest après la mort de sa grand-mère.
Ce que je retiens de Virginie Hériot c’est sa volonté sans faille, sa capacité à aller jusqu’au bout et son désir de faire connaître le savoir-faire français. Elle a tenu bon et a réalisé son rêve dans une société où la femme ne décidait pas toujours de sa vie et de son avenir. Elle est celle que j’évoque lorsque j’ai moins le courage, lorsque j’ai l’impression de ne plus avancer ou de ne plus savoir où aller. Elle est ma boussole et ma carte. C’est pourquoi j’ai choisi de lui rendre hommage avec le carnet de dessin Virginie que tu peux découvrir ici.
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